Dans un contexte de fervente dévotion envers les saints les plus adulés de la ville de Mexico surgit la création d’Anima, un culte à l’expérience artistique qui vient perturber la relation entre croire et créer. Par l’intermédiaire de cette nouvelle icône est célébrée l’essence même de l’homme : créer, y compris des dieux à son image de créateur et ainsi faire dialoguer ou se frictionner deux des principaux systèmes de représentation, l’art et la religion.
Fais-toi Dieu est un documentaire mutant en tragi-comédie mexicaine, un film d’actions (au pluriel), une fiction qui va à la rencontre du réel. Il est rythmé par la création d'un arquétype de la création et par son introduction sur le terrain de la foi catholique et païenne. Rélle ou fictive, drôle ou sérieuse, l’ambiguïté que génère cette création collective cherche à interroger nos croyances au sens large, notre besoin de fiction, de représentation. Pourquoi l’homme est-il habité par la nécessité de créer, d’imaginer, de transcender ? L’art et la religion sont liés depuis leur apparition, à travers ces deux systèmes de représentation l’homme tente d’apporter des réponses à la double énigme de son origine et de sa fin. Si l’art peut exister sans la religion, est-ce que la religion peut exister sans l’art ? Est-ce que la religion ne serait pas un avatar de la création artistique ? A travers ce dispositif cinématographique se rejoue à petite échelle la création d’un culte qui vient révéler la part d'imagination et de fiction qui constituent les cultes religieux et par ce biais l'imposture de l'église catholique.
AVEC LE SOUTIEN DE
La SCAM, bourse « Brouillon d'un rêve » à l'unanimité du jury.
La région Rhône-Alpes en écriture de scénario et en production.
Le ministère des affaires étrangères Mexicain (Residencia artistica de la SRE)
Procirep-Angoa
Le CNC
FESTIVALS
PRESSE
L’avis du comité de Les Toiles du doc (lien)
Une expérience sidérante, on se demande sans arrêt ce que l’on est en train de regarder : naissance d’une nouvelle religion, remise en cause radicale de celle-ci, happening géant et provocateur ? Le spectateur est plongé dans un état d’expectative extrêmement fécond et jouissif. Il y a une audace incroyable dans les questions philosophiques soulevées et l’élaboration d’un dispositif très strict, limpide. C’est un documentaire très maîtrisé, avec un montage redoutablement efficace qui produit une vraie « direction du spectateur ». Mais il y aussi un art du cadrage, certains plans sont superbement éclairés et organisés.
Thomas de Davydoff - Professeur-relais Cinéma (07)
Entretien réalisé par Emma Cossée Cruz, le 29 Avril 2020.
- Comment vous est venu l'idée de l'invention d'unarchétype de la création dénommé Anima que met en scène votre film Fais-toi Dieu ?
C’est le syncrétisme des croyances mexicaines et les récentes apparitions de nombreuses figures « religieuses » comme La Sainte Mort, qui m’ont donné envie de proposer un archétype auquel je puisse m’identifier et qui ait comme mission de mettre en évidence la nature artistique et fictionnelle des religions. Les croyances au Mexique ne sont pas figées, elles continuent de se réinventer, de se transformer, se mélangent à d’anciennes croyances préhispaniques, polythéistes et à des problématiques sociales. Le culte à la Sainte Mort, représentée par un squelette revêtu, celui de Malverde, patron des narcotrafiquants, sont apparus dans un climat d’extrême violence pour protéger les personnes liées à des activités illicites. Répudiés par l’église qui voit tout ce qui s’éloigne du culte catholique comme l’incarnation du diable, il me semblait intéressant d’introduire une nouvelle figure dans cette guerre de chapelle très manichéenne, qui vienne interroger notre besoin d’imagination, de fiction. L'art est né au service du rituel, du religieux, les institutions religieuses ont pendant des siècles défini le programme de l’œuvre artistique. Ici les rôles s’inversent, j’emprunte certains codes du culte catholique et sa force d'adhésion pour proposer à la "dévotion" une figure volontairement ambiguë. Cependant, Anima ne fait pas de miracles, elle n’encourage pas à prier mais à créer. Elle est surtout un prétexte pour associer une image symbolique à une pensée, qui vient questionner la relation entre croire et créer, le rôle de l’art dans son lien originel avec la religion, qui part d’une même nécessité de transcendance, d’expérience extraordinaire. Anima est une création qui cherche à révéler l’imposture de l’Église. Ce qui m’a toujours dérangé chez les religieux de tous bords, c’est la relation absolue à la vérité et leur impossibilité à reconnaître cette part de fiction, d’imagination humaine dans les religions. Les artistes ne s’intéressent pas à la vérité, l’art n’est qu’illusion, c’est ce que défend la création d’Anima, et les textes philosophiques1 qui l’accompagnent, qui tournent autour d’une question qui est pour moi centrale : Pourquoi l’être humain est-il habité par la nécessité de créer et d’imaginer ?
- Anima est créée par de multiples personnes : un sculpteur, un dessinateur, une personne qui travaille avec des perles, un orateur, des musiciens, une fleuriste, un vendeur de légumes, des inconnus qui la regardent et y projettent leurs ressentis. Comment les avez-vous intégrées à votre projet de film ?
C’est un film qui s’est fait avec un budget très modeste, sur plusieurs années, dans le casting il n’y a pas d’acteurs professionnels, mais de nombreux amis et des rencontres faites au cours de la préparation de ce projet. Je les filme presque tous dans leur vie quotidienne, à leur travail, ils font ce qu’ils savent faire. Je les ai choisis en fonction de leur faculté à apporter quelque chose de singulier à la figure d’Anima, ou à sa promotion. J’avais produit au préalable, dans le cadre d’une résidence artistique, une grande partie de l’effigie d’Anima sur différents supports et à plusieurs échelles. J’ai compilé les textes philosophiques dans un petit livret qui a servi à communiquer les intentions aux protagonistes et au public avec qui nous allions interagir. J’ai conçu Anima, de manière à ce qu’elle donne envie d’être intervenue artistiquement, que ce soit le geste créatif qui confère à cet archétype une identité multiple. Contrairement aux Saints, elle ne représente personne en particulier, chacun se l’approprie à sa façon comme lors d’une des performances finales au cours de laquelle l’image d’Anima se construit à échelle humaine par la participation spontanée du public qui à tour de rôle vient la figurer. Nous avons organisé et filmé cette action dans le cadre d’une installation qui a eu lieu et a été soutenue par le Musée Ex Teresa arte Actual, une église reconvertie en espace d’exposition contemporain. J’avais imaginé de nombreuses séquences dans ce lieu qui illustre le déclin du culte catholique (à Mexico de nombreuses églises ont été reconverties en musée). Je souhaitais que ces actions et installations aillent à la rencontre d’un public réel que je n’ai pas juste convoqué pour le film. Cette église est située au cœur du centre historique dans un quartier populaire, elle attire une grande diversité sociale de visiteurs (qui entrent souvent en pensant que c’est encore une église). Dans l’une des chapelles nous avons installé la niche triangulaire qui fait apparaître et disparaître les principales images religieuses mexicaines dont Anima, dans un brouillard de fumée. Ces installations ont fait beaucoup réagir, les gardiens du musée étaient ceux qui interagissaient le plus avec le public et se sentaient concernés par cette problématique. J’ai recueilli tous les questionnements qu’ils avaient catalysés au cours de cette exposition. Le jour de l’inauguration j’ai invité le performer Victor del Moral à réciter un texte du haut du clocher. C’est un artiste avec qui j’ai collaboré tout au long du projet (notamment au travail des lettres géantes et aux slogans de la manifestation). Il produit des Lecto- Sculptures, en déclamant, entre autres, des textes imprimés sur des rouleaux de papier dans des situations spatiales qui le rendent vulnérable. Je lui ai demandé d’écrire ce texte en lui laissant la totale liberté de s’approprier le propos.
En el contexto de la fe católica y sincrética de la Ciudad de México nace la construcción colectiva de un culto a la creatividad y a la experiencia artística, en el cual se explora la relación entre arte y religión, entre creer y crear. El proceso de creación y escenificación de este culto es documentado para volverse un objeto fílmico, un documental que se convierte en una ficción y en el soporte mismo de su génesis.
El culto se conforma, de: Anima, una imagen que lo representa, instalaciones, textos, y acciones en espacios públicos que evocan de manera lúdica, la experiencia artística como una forma de relacionarnos con el mundo y trascenderlo, a la vez que evidencia la concepción de las religiones como ficciones, y formas de expresión cultural y estética susceptibles de ser reinventadas. Anima, ícono humanoide que es elevado por su propia creación, es decir, una escultura de plegado estilo origami confeccionada por sus propias manos, es una suerte de poeta insertada en el mundo de los santos, filósofa que se camufla en imagen en los terrenos establecidos de la fe, su cometido es en palabras de Anne-Lise, “animarnos a creer en nuestros recursos creativos y a desarrollarlos.” Con Anima como pretexto, el proyecto en su conjunto busca transitar del documental antropológico a la ficción cuasi-surrealista, para recrear puentes entre dos de los principales sistemas culturales del ser humano: el arte y la religión. Así mismo busca celebrar la cualidad creativa de nuestra especie, a la vez que indagar sobre la posible receptividad a este culto ficticio.
Concernant les autres protagonistes, comme le vendeur des rues, je l’avais déjà vu vendre à cette même place des remèdes naturels pour soigner des maladies incurables. Au Mexique on les appelle des merolicos, ils sont reconnus pour être de bons orateurs, voir des charlatans et savent mieux que quiconque capter l’attention du public. Je lui ai partagé l’intention du projet et demandé de faire la promotion d’Anima à sa manière, il s’est donné comme mission de vendre des médaillons d’Anima et a mis tout en œuvre pour y arriver. Cela ne m’intéressait
pas de tout contrôler mais au contraire d’accueillir les propositions de chacun, quitte à ce que les intentions m’échappent, comme cela arrive dans n’importe quel culte. Je trouvais intéressant de voir comment chaque protagoniste allait s’approprier cette proposition, qu’elle devienne une création qui prend de multiples formes, à l’image de ceux qui s’en emparent. Le musicien qui se confesse dans la basilique est un ami, c’est lui qui a écrit les paroles du Huapango qui est chanté dans le marché. Je lui ai donné les textes, auxquels il adhère bien entendu, et qu’il a pris plaisir à défendre face aux réactions virulentes du prêtre qui découvrait en direct cette nouvelle « croyance ». La plupart des séquences sont construites sur ce mode, des actions orchestrées, une fiction qui va à la rencontre du réel pour le faire réagir.
- Vous parlez de film d'actions (au pluriel) pour qualifier Fais-toi Dieu, film qui se situe entre le documentaire et la fiction et fait référence à plusieurs genres cinématographiques. Comment avez-vous pensé l'articulation entre ces différents registres ? Par exemple entre des séquences qui rendent compte de scènes de rues à Mexico, des entretiens sur le vif avec des passants qui découvrent Anima, des séquences qui évoquent un registre fantastique et la séquence dans l'immeuble de bureau qui relève presque de la comédie ?
J’ai trouvé que le terme d’actions était celui qui se rapprochait le plus de la fabrication de ce film, car beaucoup de séquences sont faites d’interventions mises en scène pour recueillir des réactions et des interactions réelles. Ce qui m’intéressait, c’est que le film, en se faisant avec des personnes réelles dans le contexte de leur vie quotidienne, génère réellement une communauté autour de cette création, une identification et que, malgré le fait qu’elle parte d’un concept que j’impulse, cette création devienne collective. A l’écriture du film j’avais prévu d’installer dès le début, une croyance: «Vous allez voir un film documentaire anthropologique » et faire en sorte que la fiction s’introduise dans le réel petit à petit, jusqu’à ce qu’elle devienne tellement visible, qu’elle finisse par générer une ambiguïté, un doute sur la véracité de ce qui s’est construit dans le film, pour arriver à la conclusion que tout réel est fiction, une perception subjective, lié à un fort désir de croire. La fin du film qui est davantage mise en scène, accentue l’illusion que ce culte à l’imagination est entré dans la culture populaire, qu’il a une influence, un impact sur la vie quotidienne des gens, qui commencent à croire en leur pouvoir créatif et à le mettre en pratique. Plus que de la fiction, je dirais que c’est une anticipation du réel, le film est un support pour imaginer le potentiel devenir de ce « culte », pour l'engendrer, en donner les modalités et me laisser la liberté de l'amener là ou le réel ne pourrait peut-être pas aller. Concernant le genre, la tragicomédie, elle est plus appuyée à la fin, c’est vrai, et vient révéler le jeu, la fantaisie de cette proposition. Je la voulais sérieuse, poussée au début du film pour devenir ensuite plus légère et ludique. La comédie est une façon d’aborder la tragédie, c’est un moyen plus digeste, avec l’art, d’aborder le réel, d’y survivre.
1
Extraits de textes cités dans le film : Représentations II, Le destin des fictions d’Andre Valland,
La métamorphose des dieux d’André Malraux, Le combat avec le démon : Kleist, Hölderlin, Nietzsche, de Stefan Zweig, Leer la mente de Jorge Volpi, L'étrangeté de l'art de Jean Onimus.
HAZTE DIOS
(FAIS-TOI DIEU/PLAY GOD)
71min FHD, 16/9ème 2020
Scénario-Réalisation : Anne Lise Michoud
Montage : Ana Garcia
Musique : Emilio Hinojosa
Mixage : Aymeric Eustache
Avec la collaboration artistique de Victor Del Moral Rivera
Production JPL Productions
Etre capable d'aimer et de travailler était d'après Freud le but d'une alanalyse réussie : Je n'arrivais à faire ni l'un, ni l'autre. Ma mère tâche de vous exposer le pourquoi, moi de m'en affranchir. Introduire le cinéma et le jeu dans les relations familiales pour les rendre plus légères, se mettre à nu et éprouver le plaisir de se rhabiller de la robe à motif de son choix.
Dans ce film qui suit les tenants et aboutissants de ma cure, je donne à mes parents l'ultime occasion de porter un regard sur ma vie que je m'attache à décliner et à transfomer artistiquement pour définitivement m'y soustraire. Je me déleste de cette image d'Epinal et leur offre en souvenir. Ce premier film à la première personne, cette affirmation d'un "je" sans "eux", accompagne une tentative de (re)conciliation, qui passe par des images et des actes symboliques. Le cinéma rejoint ici la psychanalyse dans sa possibilité qu'il nous offre de se réinventer.
Being able to love and work was for Freud the aim of a successful analysis: “I could do neither of them”. My mother will try to explain you why, me, I will try to overcome them. Introducing filmic and dramatic play in the family’s relationships to make them lighter; getting naked and experiencing the pleasure of putting on a dress with a pattern of our choice.
It’s common, in a therapeutic process, to get to the root of the conflict: the family. In this film, which follows the ins and outs of my cure, I play a leading part, my mother a core role and my father that of a simple outlooker. I give her the opportunity to tell me what she is thinking about my life, and I relate and transform it artistically to expel it. This exposure is a cathartic gesture, a dramatic tension between what she wants me to be and the reality that I reveal. I offload this idealized image and I offer it to her like a consolation. The (re)conciliation doesn’t pass through words but through images and symbolic acts. Faced with the impossibility to extricate myself out of this relationship, I introduce others, my father, my psychoanalyst and you. As Plato said: dialogue is not done in two, but three...”
AVEC LE SOUTIEN DE
La SCAM Brouillon d'un Rêve
Le CNC
La région Rhône-Alpes (production et bourse à l'écriture)
FESTIVALS
PRESSE
La Plata International Independent Film Festival - FestiFreaK (Argentina)
« La programmation de cette nouvelle section "Zéro de conduite", voue un culte à l’esprit irrévérencieux, aux propositions puissantes et inhabituelles. Elle invite à un changement de cadre, à une croyance en de nouvelles formes, rares, audacieuses (…) C’est une invitation aux cinéastes qui se posent la question : Et si le cinéma pouvait ressembler à autre chose ? »
L’avis de Toiles du doc :
La réalisatrice maltraite certaines conventions — familiales ou documentaires — dans ce film ludique et inattendu, une sorte d’ovni qui ne cherche pas à raconter une histoire au sens classique mais plutôt à nous entraîner dans une expérience narrative très personnelle.
La Plata International Independent Film Festival - FestiFreaK (Argentina)
Esta nueva sección “Zero de conduite” es un culto a ese espíritu irreverente, a las propuestas potentes e inhabituales. Sugiere invitaciones al desencuadre, creencias en la varierdad de formas, autoafirmaciones en la rareza. Estas películas marginales, periféricas deben generar su propio publico y buscan agrandar el perímetro hasta ser contenidas. Por eso, “Cero en conducta” es una invitación audaz a los irreverentes que se preguntan ¿Y si el cine es otra cosa ?
Nota de Toiles du doc :
“La directora maltrata ciertas convenciones – familiares y documentales – en una película lúdica e inesperada, una especie de ovni, que no busca contar una historia de manera clásica, sino que nos lleva a una experiencia narrativa muy personal “
ARRÊTE DE FAIRE L'ARTISTE
68min FHD, 16/9ème 2014
JPL Productions
Scénario Réalisation : Anne-Lise Michoud
Montage : Julie Duclaux
Image : Pauline Plagnol
Mixage Son : Bertrand Larrieux
Portrait croisé de travailleurs en marge du système, qui ont choisi d’occuper les espaces publics de la ville de Mexico comme un quadrilatère de Lucha Libre : Mise en scène de soi et prise de risque, comme ultime ressource pour survivre.
FESTIVALS
Prix du public au festival filmer le travail de Poitiers 2011.
Mention particulière aux Rencontres du cinéma Européen de Vannes 2011
ARENA MEXICO
58min FHD, 16/9ème 2014
Une production Imagine, en co-production avec Images plus.
Avec le soutien de la SCAM Brouillon d'un rêve du CNC, de la Procirep et de l’Angoa et del'Ambassade de France à Mexico.
Scénario Réalisation : Anne-Lise Michoud
Montage : Victoria Follonier
Prise de son : Oscar Hernandez